Au fil d’avril : Poissons et Canular

Chaque année, le 1er avril est placé sous le signe de la farce, de l’humour et de la facétie. Chacun y va de son tour de malice à ses amis ou collègues et le fameux « poisson d’avril » est à l’honneur. Mais au jeu de l’attrape-nigaud, l’arroseur finit bien souvent lui-même arrosé. Même les médias veulent être de la fête. Nous autres, pauvres et naïfs lecteurs ne nous doutons pas que les 365 jours d’informations sérieuse et professionnelle qu’ils nous livrent n’en sont en fait que 364. Un bon conseil : réfléchissez bien avant de croire une information vue, lue ou entendue le 1^er avril. Ici, pour vous, quelques exemples justifiant cette mise en garde.

La Tour Eiffel démontée et Big Ben modernisée en horloge digitale

 En 1986, le journal Le Parisien publie que la Tour Eiffel sera démontée et laissera sa place à un stade pour les jeux Olympiques 1992. En compensation, ce symbole de la France sera reconstruit à… Disneyland. La farce eu tant de succès que certains lecteurs indignés organisèrent quelques manifestations. Cette historique blague de la tour Eiffel est remise aux gouts du jour en 2013 : France Inter annonce dans son journal de 8 heures qu'en raison des coûts budgétaires qu'elle engendre, Anne Hidalgo, nouveau maire de Paris, a décidé de vendre la tour Eiffel au Qatar (Ô sacrilège !). Nouvelles indignations, nouvelles manifestations. Pour le plus grand plaisir des facétieux, il semblerait que nos chers compatriotes aient la mémoire un peu trop courte…

On peut toujours s’attendre à un bon poisson d’Avril sur la chaîne de télévision britannique BBC. En 1980, par exemple, la chaîne informait son audimat que Big Ben, l’horloge emblématique de Londres serait modernisée en horloge digitale. Beaucoup de britanniques ne trouvèrent cela pas du tout drôle et sortirent pour protester contre cette transformation de « leur » emblème. Les médias britanniques rectifièrent cependant le tir en se dépêchant de révéler le poisson d’avril.

Humour „so british“ : l’île en point-virgule

Les britanniques sont réputés pour leurs sens de l’humour très spécial. Pour le 1er avril 1977, le quotidien The Guardian a préparé à ses lecteurs un titre pour le moins peu ordinaire : la célébration des dix ans d’indépendance de l’île de San Seriffe. L’île de l’océan Indien du nom de San Seriffe célébrait en ce jour les dix ans d’anniversaire de son indépendance. Pour l’occasion, The Guardian publia des pages supplémentaires d’information sur cette île en forme de point-virgule et sa capitale Bodoni. Très détaillé, l’article fut généreusement complété de photos paradisiaques de l’île et, naturellement, de plusieurs cartes révélant les contours peu communs de l’île point-virgule.

Ein Aprilscherz mit britischem Humor: Die Insel San Serriffe in The Guardian, 01.04.1977

Avant que les photographies idylliques de l’île ne vous incitent à réserver un billet pour San Serrife, sachez qu’il s’agit d’une plaisanterie du journal britannique. A notre goût, celle-ci est très réussie. En effet, le nom fantasmagorique de cette île est tout droit sorti du jargon de l’édition. San Seriffe : Sans Serif, type d’écriture sans empattements. Le nom de la capital, Bodoni, est quand à lui bien connu pour faire référence à une des typographies les plus utilisées.

Ein Aprilscherz mit britischem Humor: Die Insel San Serriffe in The Guardian, 01.04.1977

Le journal allemand Stern et le prétendu journal intime d‘Hitler

Toujours dans le thème du poisson d’avril, mais qui n’en est pas un : nous avons trouvé dans nos archives ce qui est, vraisemblablement, l’un des plus gros canulars fait à un journal européen. En 1983, le journal Stern fait sensation avec le gros titre « Le journal intime d’Hitler découvert ». Pourtant, ce titre tapageur allait bientôt se transformer en crise-média pour le Stern. En effet, le prétendu journal intime n’était qu’une contrefaçon réalisée par le peintre et faussaire d’art Konrad Kujau. C’est une enquête du Bureau fédéral de la police criminelle qui révéla la supercherie quelques semaines plus tard.

Der Stern (28.04.1983 & 05.05.1983) mit den angeblichen Hitler-Tagebüchern

Le comble avec ce titre du Stern publié en 28 avril 1983 : « Comment notre reporteur Gerd Heidemann trouva le journal intime ». En lisant cet article aujourd’hui, on réalise que la réponse à cette question n’est pas complète : le journaliste Gerd Heidemann se renseigne sur le sort de l’officier des forces aériennes Friedrich Anton Gundlfinger. Heidemann donne l’information suivante : l’officier est tombé le 21 avril 1945 à Börnersdorf. A partir de là commence une quête qui durera deux ans et demi. L’incroyable découverte du journal secret d’Adolf Hitler en est l’aboutissement. Envers et contre tout, le Stern garantit dans cet article de plusieurs pages l’authenticité du journal. Pourtant, tout s’écroule lorsque le Breau fédéral confirme qu’il s’agit bien d’une contrefaçon. La vague de scandale qui frappe alors le Stern n’en est que plus implacable. Ainsi, de la nouvelle sensationnelle ne reste qu’un canular qui, bien qu’involontaire, se range aujourd’hui encore parmi les curiosités de la presse.

Nous vous souhaitons beaucoup d’idées folles pour un poisson d’avril réussi !

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